Petite histoire de Luplanté – Mme Colas

Les petites histoires de Luplanté

Mme Colas

Mr et Mme Colas et la maréchalerie de Luplanté

Pour retrouver l’histoire de notre village, il y a les archives…. Mais il y a aussi nos anciens . Mémoire vivante, ce sont eux qui détiennent les clés du passé que nous n’avons pas connu.  Pour cette rubrique j’ai rencontré Mme Colas notre doyenne qui a accepté, et je l’en remercie, de me confier avec beaucoup de gentillesse et de mémoire quelques souvenirs de l’époque d’avant :le début du 20eme siècle.
Née en 1911 à Sandarville Mlle Marchais Yvonne est devenue Mme Colas en épousant Mr Colas Paul en janvier 1932 . Elle a rejoint Luplanté où son mari travaillait (chez son père) comme maréchal ferrand . Ensemble ils ont repris la maréchalerie en janvier 1933 (10 rue du Marchais). A cette époque, cette profession était respectée car maitre du feu et du fer le maréchal était un rouage indissociable de la vie rurale.  Notre commune comptait plusieurs dizaines de chevaux, et tous passaient entre les mains expertes de Mr Colas et de ses deux commis pour le ferrage. Ainsi, étaient martelées les journées dans nos campagnes ! Mais le travail ne s’arrêtait pas a ferrer les équidés, ( tâche qui avait généralement lieu le matin ; le reste de la journée, les chevaux étaient aux champs) il fallait aussi assurer les autres services en tous genres : Exemple : réparer une charrue, une pièce de brabant ou de charrette, forger à la demande une penture de porte, un cercle de roue qu’il fallait embatter, etc… sans compter les divers dépannages d’ordre métallique dont les Luplantéens avaient besoin et que le professionnel du fer mettait un point d’honneur a réaliser.                                                                                                                     

 Il lui arrivait de faire aussi du charronage ( l’un de ses commis était charron).  Pour faire marcher la petite entreprise Mr Colas était aidé dans sa tâche par ses deux commis ,mais aussi par sa femme qui ne comptait pas son temps pour s’occuper des nécessités annexes telles que la maison, le jardin  etc…     
Le besoin en matière première était vital  mais, d’où arrivaient ces fournitures ?.A cette question Mme Colas répond    <<Mon mari chauffait sa forge au charbon fourni par un marchand qui venait de Bonneval, et parfois on utilisaient des grumes qui avaient été débitées dans les bois de mon beau-père du coté de Meslay le vidame. Il en fallait beaucoup pour la forge ,mais aussi pour les cercles de roues, qu’il était nécessaire de chauffer à blanc avant de les placer sur la roue en bois, et puis bien sur pour la maison. Pour les fers à chevaux ,ils venaient de Bonneval ou d’une quincaillerie de Chartres  chez  Massot ,d’ailleurs tous les équipements de cuisine venaient aussi de là>>.  

Elle n’osera pas l’avouer car elle est bien trop modeste, mais Mme Colas était l’indispensable présence au sein de la maréchalerie, pour s’en convaincre il suffit de l’ écouter << Le matin, il fallait se lever tôt ,faire le déjeuner de mon mari et des deux commis qui dormaient sur place et puis arrivaient les enfants .Il fallait aller chercher le lait là où il y avait des vaches, faire la lessive au baquet avec l’eau de la mare prés de l’église ; pour la toilette, pour boire ou pour la cuisine on se servait à la pompe à eau place de l’église, donc beaucoup manutention …  (Par la suite l’eau est arrivé par les canalisations ce qui a amélioré le quotidien.) 

Dans le milieu de la matinée, je commençais a préparer le déjeuner  pour tout ce petit monde ! Généralement les menus n’étaient pas aussi variés que maintenant…,c’était a base de cochon ou de bœuf ;pot au feu par exemple…. Il y avait aussi du lapin et de temps en temps du poisson ;le poissonnier passait avec sa charrette une fois par semaine .On accompagnait tout cela avec les légumes du jardin…. Parfois le dimanche on améliorait l’ordinaire avec de la volaille. Pour le pain le boulanger venait d’Ermenonville la petite. Le midi quand tout le monde avait mangé ,il fallait faire la vaisselle, ranger un peu ,retourner au jardin ,s’occuper des bêtes ,faire les lits ,repréparer a manger pour le soir ,s’occuper de nouveau des enfants; l n’y avait pas de couches jetables , il fallait laver les langes ; après le diner re vaisselle et seulement là on pouvait souffler un peu et pas toujours . En plus de tout cela, il fallait tenir le cahier des comptes clients à jour car avant la guerre(39/45) les règlements ne s’effectuaient q’ une fois par trimestre environ, si ce n’était pas par semestre.>>

Le travail quotidien ne laissait guère la place aux loisirs ;mot que l’on ne connaissait pas dans ces années là.  <<Les seuls moments festifs que l’on pouvaient s’accorder étaient souvent à l’occasion d’une fête :  un mariage qui se déroulait dans un des trois bars de Luplanté ou à Aufferville …,un accordéon suffisait et tout le monde s’amusait !.Sinon ,il y avait la  St Blaise le 3fevrier et la  st Georges le 23 avril ; c’était un bal monté sur la place de l’église. … En dehors de ça, il ne se passait pas grand-chose ! .  Dés fois ,les gars allaient faire une partie de billard ,ou de cartes  au bar…>>.

Ainsi passait le temps dans nos campagnes, mais heureusement la maréchalerie voyait défiler du monde au cours de ces journées de dur labeur; les clients étaient nombreux .Mme Colas a même connu ‘’Grenadou’’ de st Loup dont la vie fut raconté dans un livre en 1966. Elle a même vu arriver les premières voitures à Luplanté ,une Citroen acheté par Jules Maurice marchand de vin place de l’eéglise, et une autre par Mr Serres(marchand de textile); elle m’a aussi confié que le facteur venait de la Bourdinière et que pendant la guerre on avait repris les bœufs pour les cultures, devant la pénurie de chevaux. A la fin du conflit la mécanisation a eu raison de la famille Colas ,le travail se faisant plus rare pour notre maréchal ferrand.… <<Nous sommes partis a Marcheville reprendre une boulangerie, au début il a fallu apprendre et on s’est débrouillés et quelques années plus tard nous sommes partis sur Bonneval toujours dans une boulangerie et a la retraite, retour a Luplanté dans la maison de mes beaux-parents ou je suis encore>>. 

Après une vie bien remplie Mme Colas coule désormais des jours paisibles à l’ombre de l’église de Luplanté ,et contrairement a ce qu’elle dit : <<Qui voulez vous que mon histoire intéresse ?…>>,son histoire est une tranche du passé de la commune, qui permet aux plus jeunes de découvrir la vie de leurs anciens et aux moins jeunes de se remémorer quelques souvenirs enfouis qui permettront d’alimenter les conversations le soir au coin du feu ,et qui sait (avec un peu d’imagination) entendrons nous les coups de marteau sur l’enclume qui retentiront dans la fraicheur matinale du coté de la rue du Marchais.    (Mme Colas nous quittera à l’âge de 105 ans)