Les petites histoires de Luplanté

Marinette et Jeannot

Marinette et Jeannot

Indissociable l’un de l’autre,ils ont su s’intégrer à la vie locale et ont, à leur manière, participé à  l’histoire de notre commune .                                                                                           
Pour nous, habitant de Luplanté, nous les connaissons par leur surnom, mais en réalité pour l’état civil il s’agit, de Jean et  Marie–Louise Gourioud. C’est avec un immense plaisir que Marinette m’a fait part de quelques  confidences sur leur parcours à travers l’existence.                                                                                                              

Jean est né à Paris en 1923, il a d’abord travaillé comme poissonnier et s’est engagé dans la police afin d’éviter de partir en Algérie. Sa fonction de policier l’emmenera à la retraite.

Marinette (Marie –Louise Lacroix) est née à Canet d’Olt  dans l’Aveyron en 1921.Ses parents agriculteurs élevaient veaux, vaches, cochons, moutons . Elle a eu une soeur plus jeune et par la suite un frère cadet.

Elle a connu une enfance semblable à beaucoup d’enfants de son époque, à la différence : c’est qu’en rentrant de l’école ,il fallait effectuer des travaux ménagés dans la modeste demeure pour aider sa mère  malade. Les jeux étaient peu fréquents ,mais la nature environnante était un magnifique terrain  d’expression pour Marinette et quelques petites copines qu’elle fréquentait. Et c’est là que le surnom de Marinette a pris tout son sens. Mais je lui laisse raconter l’anecdote « Avec mes amies nous nous amusions à nous donner des surnoms ,on m’a tout d’abord appelée Marinou,et puis Marinette et c’est resté ainsi depuis tout ce temps » .

Marinette a grandi dans ce milieu familial, sans vouloir le quitter à l’adolescence ,comme elle l’explique elle-même : « Maman était malade ; il fallait bien quelqu’un pour s’occuper de tout le monde… ,alors je faisais la maîtresse de maison. Ma sœur elle, aidait plutôt mon père à l’extérieur. C’était comme ça… !, je ne suis jamais partie en vacances… J’ai attendu que mon frère se marie et reprenne la ferme. Je suis restée jusqu’à 29 ans. Je ne pouvais pas laisser papa avec maman malade comme elle l’était ». Cependant seule une petite escapade l’avait un temps éloignée de la ferme : « Un jour avec ma copine Rosette on a décidé de trouver du travail ,on a mis deux trois affaires dans une valise et on a trouvé un travail dans un hotel à Marvejol, à une trentaine de kilomètres de la maison. Je faisais le service et le soir on allait danser au bal jusqu’à trois heures du matin et à 6 heures on reprenait notre service. Il faut dire que j’adorais danser, je n’arrêtais pas. Des fois, à peine rentrée du bal  du samedi soir , j’accompagnait ma patronne à l’église le dimanche matin. Puis un jour, au bout d’un an environ, ma sœur Lucette me téléphone pour me dire qu’elle partait à Paris. De suite j’ai quitté mon travail et je suis retournée m’occuper de maman. Il fallait la faire manger, la laver, la coiffer etc….Ma patronne m’en a voulu sur le coup, mais par la suite elle s’est excusée. Avec ma sœur aussi ,il y a eu un moment de froid ,mais ça n’a pas duré ».

La discipline était une règle bien établie dans la famille, il fallait rentrer à l’heure  « Une fois j’étais dans un bal de pays et j’avais trouvé un cavalier qui dansait bien ,on n’a pas vu l’heure passer et d’un seul coup à l’entrée du bal, j’ai vu ma mère arriver avec un gourdin, me priant de rentrer à la maison. Croyez moi…je n’ai pas insisté ». Et puis un jour Marinette prend le train et monte à Paris chez une amie (Paulette) : « une de mes tantes  habitait rue de la Jonquière,  sur le même palier que mon Jeannot et sa maman. Mme Gourio me disait « tu sais mon Jeannot il est gentil ,il te faudrait un garçon comme ça », mais moi j’arrivais de ma campagne et lui travaillait dans la police, alors on ne faisait que se croiser. Un jour il revenait du travail, il avait chaud,il  enlevait sa tenue de policier et je vois ma future belle mère qui insiste « il faudrait que tu te  maries avec lui », moi je lui réponds, mais… il ne sait pas danser et elle me dit : «  on ira tous ensemble un soir au bal et tu verras » . Et puis j’avais d’autres copains avec qui j’allais danser.  C’est vrai que Jeannot était gentil : il m’emmenait dans Paris pour pas que je me perde. Ca a marché comme ça un petit moment ,…c’était un bon copain.

Puis Marinette finit par trouver un travail dans la Capitale dans un restaurant chez Valentin rue Marboeuf « on faisait 1200 couverts par jour et on était 18 filles de salle, le restaurant tournait tous les jours et il fallait toujours 15 filles pour faire le service. J’étais très appréciée des clients,ce qui rendait jalouses les autres filles.On avait plusieurs cuisiniers dont un s’occupait du hachis parmentier,il mettait de tout là dedans ; depuis que je l’ai vu faire, je n’en ai plus jamais mangé. Enfin là, je gagnais bien ma vie. Le patron avait une telle confiance en moi qu’il m’envoyait porter la recette à la banque et moi j’y allais avec un tablier bleu et mes galoches auvergnates,et personne ne m’a jamais attaquée. Le soir Marinette continuait d’aller danser avec des copines car c’était sa passion ,même si avec Jeannot, il y avait eu rapprochement .Un peu plus tard sa sœur a mis au monde une fille (Chantal) alors Marinette  a quitté son restaurant pour se rapprocher d’elle « j’ai préféré sacrifier mon travail pour m’occuper de ma nièce, repasser les langes etc… ».
Puis la petite a grandi , Marinette a retrouvé un travail au Champs élysée au restaurant la « Fourchette » et ce pendant 15 jours et ensuite avec une copine elle s’est faite embaucher à la « Chaumière » un autre restaurant. L’entente affective avait commencé avec Jeannot ; l’affaire prenait une tournure plus sérieuse puisque le mariage allait suivre rapidement  « Un soir avec une copine nous sommes allé danser  et prises par le temps nous avons loupé le métro. Jeannot, lui, s’inquiétait et on était marié. Il est donc allé voir chez ma sœur. Il a fallu que je rentre à pieds. Quand j’ai ouvert la porte de l’appartement et que j’ai vu les chaussures de jeannot qui n’étaient plus là, j’ai compris que j’avais fait une bêtise. Puis ma sœur est arrivée avec Jeannot, elle est montée à l’appartement et m’a collée deux gifles. Après je n’ai jamais recommencé et l’harmonie s’est installée dans le couple. Ma soeur a eu raison ,car avec  Jeannot ça toujours été bien. Le matin il partait de bonne heure au commissariat et rentrait le midi. Il me faisait tout : le lit ,me préparait le café le matin… Oh là,là ,il en a fait des choses… !
Le travail leur a pris une partie importante de leur vie, mais ils ont profité de leur heures libres pour fréquenter la campagne autour de Paris et accompagnés des Parents de Jeannot, ils ont commencé à chercher une maison, d’abord du côté de Montargis car cela leur faisait moins loin de L’Aveyron, puis Tours. Mais Rien ne correspondait  à leur attente. Pendant un an , à travers les agences au début des années 1960, ils ont cherché pour finalement arriver à cette maison de Luplanté . « De suite ,cette maison a plu à ma belle mére,surtout la cuisine qui était deux fois plus grande que la sienne à Paris. Donc on l’a prise pour 5 millions de l’époque.Mes beaux parents se sont installés dedans et nous , avec jeannot on venait le week-end. On faisait les courses avant de descendre de Paris, on prenait la Dauphine et on partait. Ici on dormait dans une petite chambre en face dans la cour pour ne pas déranger mes beaux parents quand on arrivait tard le soir. Puis Marinette et Jeannot  se sont installés définitivement dans cette maison en 1981 à l’heure de la retraite, au 11 rue de Beauce. Il ont commencé à participer aux fêtes de village et à fréquenter l’église et de suite ont proposé leurs services  pour la mise en place des cérémonies religieuses « Au début, j’aidais Mme Colas et Mme  Lanoé mais comme elles n’en pouvaient plus ,j’ai tout naturellement pris le relais avec Jeannot. Au début le curé s’appelait Bernard Phertuis ,et puis il y a en a eu d’autres. Il m’aimait bien Mr Phertuis ,des fois il venait avec sa mère manger à la maison ,et puis, je lui achetais  une bouteille de bon  vin blanc pour la messe…. Ladaptation à la vie du village s’est passée sans problème bien que le changement est été brutal par rapport à l’évolution industrielle de notre campagne « Quand je suis arrivé à Luplanté ça m’a fait un choc toutes ces machines dans les champs ,car dans l’aveyron ,on ramassait le blé à la main ,il fallait faire des gerbes, et monter le blé au grenier ah là là….Et puis tous ces camions chargés de blé qui passaient devant la maison, on n’était pas habitué… ! » .Maintenant ils se sont faits au progrès du milieu beauceron. Et aujourd’hui ils essaient, malgré les  problèmes liés à la vieillesse, de continuer à participer à la vie locale.

Ils font tellement partie du quotidien de Luplanté qu’il n’ait pas de conversations sans que leurs qualités de gentillesse et de dévouement ne soient louées .