Les petites histoires de Luplanté
Les mares

Les mares de Luplanté et d’Aufferville
Quoi de plus banal de nos jours que de croiser au détour d’un village, une mare !
Bien qu’elle ne serve plus à grand monde, et peut, pour certains, paraître bien inutile, ce point d’eau trahit un morceau d’histoire que nos anciens ont encore en mémoire.
En effet dans un passé pas si lointain cet endroit était vital pour la population. Chaque village possédait sa mare, pour faire boire les animaux, pour alimenter les pompes des pompiers et aussi pour le lavage du linge. Alors, si aujourd’hui ce geste est devenu banal grâce à la machine à laver, il y a encore un siècle, voire moins, il s’agissait d’une corvée, et aussi une profession dévolue aux femmes.
Notre commune n’étant traversée par aucune rivière, les seuls points d’eaux étaient le puits et la mare. Luplanté étant déjà doté de la sienne en 1886, les habitants d’Aufferville ont réclamés la leur. Mais un peu d’histoire pourra vous aider à comprendre leur importance.
Pour laver le linge, il fallait le savonner au savon de Marseille, ou à la cendre ou encore avec des cristaux de soude, voir même avec une décoction de plantes annuelles ou plantes vivaces des fossés (exemple : la Saponière, le Laurier, les rhizomes d’Iris, etc…).
Puis un brossage énergique débourrait les effets vraiment trop crasseux. A l’aide d’un battoir on frappait le linge sur une planche pour faire pisser le jus. Après, il fallait le rincer et l’essorer en le tordant. Et pour finir, le laisser sécher en l’étendant sur la paille ou sur un fil.
Le linge de corps était lavé assez régulièrement, mais les draps n’avaient droit à cette opération que deux fois l’année, au printemps et en automne (d’où des réserves de draps de coton importantes souvent rangées au fond des armoires, avec pour agrément des petits sachets de lavande ou de fleurs des champs méticuleusement sélectionnées pour servir d’antimites).
L’été les femmes étaient trop occupées avec les moissons. Le linge était emmené à la mare, à la brouette ou à l’aide d’une charrette pour peu que le charretier du coin eût décidé d’aider les femmes par service ou parce qu’il en pinçait pour une petite lavandière. Le rassemblement des travailleuses du linge autour de nos mares, était souvent un moment de convivialité bien que la tâche fût pénible, passant des heures courbées sur l’ouvrage. Le commérage était de mise et les langues de vipères faisaient enfler la rumeur plus vite qu’un furoncle. Parfois elle était si rapide que le pauvre diable ou la diablesse concernée étaient souvent les derniers informés. Finalement la rumeur était moins propre que le linge, d’où sans doute cette expression qui précise qu’il vaut mieux laver son linge sale en famille.
Les croyances aussi avaient la peau dure, ainsi, il ne fallait pas laver le vendredi Saint, surtout en Beauce. Les incidents de lavoirs étaient courants ; un linge tombé à l’eau pouvait être récupéré avec un bâton, mais pour peu que la femme faisait l’effort de se pencher pour récupérer la frusque, elle se faisait embarquer du popotin et c’était la baignade assurée, en supposant qu’une camarade de lavoir n’y soit pas allée de son coup de main aux fesses pour donner de l’élan à la victime. Alors vite on ressortait la pauvrette qui n’avait plus qu’à rentrer chez elle pour se sécher. C’est pourquoi devant autant d’importance vis-à-vis de l’hygiène, le conseil en cette année 1887 a décidé de contenter les habitants.
J’ai retrouvé le compte rendu du conseil sur l’approbation des décomptes à propos de la création de la mare et du lavoir d’Aufferville en date du 27 novembre 1888.
Mr Chauvin s’est chargé des travaux de la mare et Mr André Paul a quant à lui, effectué ceux du lavoir. Le procès-verbal des décomptes invite le conseil à les examiner et à les approuver. Vu les deux devis en date du 22 septembre 1886. Vu les deux cahiers des charges. Vu le procès-verbal d’adjudication du 13 mars 1887. Vu les procès-verbaux des réceptions provisoires de la mare et du lavoir du mois de mai et septembre 1887. Vu les deux procès-verbaux de réception définitive en date du 28 Mai 1888 et 15 septembre 1888.
Considérant que les travaux ont été bien exécutés conformément aux devis et aux cahiers des charges. Considérant que le délai de garantie d’une année est complètement expiré, et que les entrepreneurs peuvent être soldés.
Approuvent : 1er– le décompte de la mare s’élevant à la somme de 866,80 francs
2eme – le décompte du lavoir s’élevant à la somme de 2463,45 francs



