Les petites histoires de Luplanté

La bataille de 1589

La bataille de 1589

Luplanté n’a pas connu de conflit armé depuis plus d’un siècle sur son territoire, et tant mieux, mais avant il en fut autrement. Plusieurs batailles ont en effet perturbé la vie paisible de notre village. La guerre de cent ans a probablement été la plus violente pour la population. Mais une bataille d’importance eut lieu sur notre territoire en 1589 et cette bataille est référencée dans les archives comme bataille de Bonneval.

Le jeudi 18 Mai 1589, dans la semaine de la pentecôte, une grosse bataille eut lieu entre les ligueurs commandé par le sieur de Réclainville et de Saveuse et les troupes du roi de Navarre, ayant à leur tête les sieurs de Chatillon et de Rosny (Sully).

La veille Saveuse chargé de défendre Chartres avec son armée, et voulant se diriger vers Chateaudun, avait couché à Thivars, et c’est en marchant vers Bonneval, le long de la route principale que la troupe rencontra en haut d’un vallon la troupe de Sully.


[L’image ci-contre provient d’un tableau relatant la bataille d’Arques, septembre 1589 (la même année que celle de Luplanté), alors on peut s’imaginer qu’a Luplanté ce fut pareil]

 

La rencontre eut lieu à la sortie de Luplanté, entre Vitray et l’entrée de Luplanté. En 1589 la nationale 10 n’existait pas et la grande route qui menait de St loup à Vitray passait entre Luplanté et l’actuelle carrefour de la nationale 10, c’était en fait un ancien chemin de César élargi.

A propos de cette bataille, Sully a écrit ceci dans ces mémoires :

« Le roy de Navarre me commanda avec 300 chevaux et pareil en nombre d’arquebusiers qu’on fit également monter à cheval de contenir Chartres dont on découvrit que le duc de Mayenne voulait s’emparer au nom de la ligue là-dessus je fis provision d’échelles de pétard et autres instruments de guerre et nous vîmes d’une seule traite sur Chartres en faisant repos à Bonneval. Quelques prisonniers que nous avons fais en route (C’était les éclaireurs de Saveuse ) nous apprîmes qu’il y avait tout près une armée de 400 chevaux au moins ayant à leur tête Brosse et Saveuse. Nous laissâmes nos arquebusiers suivre doucement le chemin de Chartres et prenant par le côteaux pour pouvoir atteindre l’escadron ennemi, nous rencontrâmes l’ennemi en haut d’une colline que chaque troupe avait montée de son coté de manière que nous pûmes nous voir qu’a 200 pas les unes des autres. On en vint aux mains sans délibérer et ce fut avec tant de furie que dans le premier instant quarante des nôtre furent renversés à terre mort ou blessés, j’étais de ce nombre avec le sieur de Chatillon, et de Mony, et heureusement je n’étais pas blessé ; mon cheval qui n’avait eu que la mâchoire fracassée d’un coup de lance, se leva et je me trouvais encore dessus. Peut être n’y a t’il jamais eu d’action si chaude, si opiniâtre et plus meurtrière dans ce genre de combat. Nous retournâmes quatre ou cinq fois à la charge, les ennemis se ralliant aussitôt qu’il avait étaient enfoncés. J’y eus deux épées cassées et j’eus recours à deux grands pistolets chargés de carreaux d’acier, qui ne trouvèrent aucune arme qu’ils ne perçassent de part en part. Sur ces faits nos ennemis nous laissèrent le champ de bataille, voyant qu’ils avaient perdues plus de deux cents des leurs. Saveuse blessé fut fait prisonnier. Mais nous n’étions guère en état de gouter le fruit de notre victoire à cause de l’épuisement qui nous rendait presqu’immobiles. Un peu de repos était tout ce que nous désirions, lorsque soudain un violent orage qui se mêlant à notre sueur nous inonda en moins que rien. Le conseil ayant été assemblé dans cette accablante situation, il fut résolu que, malgré l’état ou nous étions, nous marcherions toute la nuit pour tâcher de regagner Beaugency. Nous y arrivâmes tellement épuisés que les forces me manquaient ; je pus faire autre chose que de me laisser tomber sur un lit ou il fut impossible de me réveiller pour prendre de la nourriture. » 

Ce récit est formidable et montre d’abord l’intensité et la violence du combat, même s’il a duré probablement une heure ou deux, laissant au passage de nombreuses victimes (environ 100 voir plus), et autant de blessés, et de nombreux prisonniers dans les troupes de Saveuse.

D’après un rapport de l’abbé Souchet : « Saveuse aurait eut, ce jour, une centaine d’hommes tués et une cinquantaine de prisonniers. De son coté les troupes de Chatillon et Rosny auraient perdu que trois hommes et n’aurai eu que plusieurs blessés. »

Un autre récit précise un détail que Sully n’a pas mentionné. Saveuse attaqua les protestants sur le flan droit après avoir fait semblant d’attaquer le flanc gauche. Sa troupe fit tomber Chatillon, et Sully, mais Charbonnière et D’Arambure arrivèrent pour prêter mains fortes à Sully et faire changer le cour de la bataille. J’ai également retrouvé dans un autre récit, qui stipule que Saveuse disposait de 900 hommes et pour Sully 1200 ; ce qui est possible en comptant les cavaliers et les soldats à pied. Suite à cette bataille sanglante, Sully continu son récit de la sorte, « Saveuse était blessé et prisonnier, et ayant eu un grand nombre de ses parents et presque tous ses amis morts dans ce combat, il était dans un tel chagrin, et à cela s’ajoutait la honte d’avoir était vaincu, qu’il se jeta dans dans un tel désespoir qu’il devint furieux. Il mourut assez rapidement dans une fièvre frénétique sans vouloir qu’on lui soigne ses blessures. Saveuse avait reçu pendant ce combat une grosse blessure à la cuisse. Il refusa les saints sacrements. »

Parmi ses parents, victimes du conflit ce jour là, figurait son frère ; (Nicolas Tiercelin).

Cette bataille a eut un retentissement important pour l’époque et Pierre de l’Etoile relate dans son journal : «  Ce jour les nouvelles de la défaite des troupes de Saveuse, Forceville, et Picards, pourtant les meilleures troupes de l’union et ou en plus il y avait de la noblesse, suite à la victoire acquise par Mr de Chastillon ce jeudi 18 mai 1589, sa majesté Henri 3 s’en montra si satisfaite et contente qu’ayant embrassé Mr de Chastillon par deux fois le mena peu après en son cabinet ou le Roy le tint  enfermé seul avec lui pendant deux heures. On voit par l’acceuil que henri 3 fit à mr de Chastillon qu’elle importance il attachait à cette victoire. ».

Le jour de sa mort (à l’âge de 26 ans) « Saveuse portait une croix de lorraine avec cette devise Espagnole écrite en lettre d’or « Morir o mas contento » (mourir ou plus heureux). Peu après cette défaite une croix fut érigée à l’endroit de cette bataille. Le curé de Vitray en place à cette époque fait mention d’une croix érigée le 16 Juin 1622 et ce lieu est porté au cadastre sous le nom de champtier ou terroir de la croix de Saveuse. Cette croix à disparu à l’aube du 21 ème siécle, sans doute suite à un remembrement. Il est également à noter qu’en 1880 et 1891, en creusant une fosse auprès du Bois de Feugère, on rencontra une grande quantité d’ossements humains entassés pêle-mêle à une profondeur de cinquante centimètres et sur lesquels on avait fait brûler une épaisse couche de paille avant de les recouvrir de terre. Il n’a cependant pas été trouvé d’armes. Mais un écu d’or de cette époque semble confirmer la période relative à cette bataille.

En ce qui concerne la croix elle se trouvait donc à l’endroit du combat, c’est-à-dire sur le bord de la D12, juste avant le carrefour avec la Nationale 10 ; la route reliant Luplanté à Meslay le Vidamme.

Harel j-f